mercredi 1 décembre 2010

Lettre ouverte au président de l'UPA

Lettre ouverte au président de l'UPA, Monsieur Christian Lacasse

Monsieur le président, dans le dossier des gaz de schiste qui nous implique tous, je sais que vous avez à coeur l'intérêt de vos membres. Vous désirez les protéger, c'est pourquoi vous souhaitez conclure une entente-cadre avec cette industrie. Je crois cependant que l'implantation de cette industrie sur plus de la moitié des terres propices à l'agriculture au Québec est un enjeu vital non seulement pour vos membres, mais pour tous les Québécois. Nous devons tous prendre un temps de réflexion avant de choisir la voie qui convient.
L'exploitation des gaz de schiste se fera dans la partie sud de la vallée fertile du St-Laurent, où vos membres cultivent des sols qui produisent plus de 60 % des denrées alimentaires du Québec. Cette situation est unique, elle n'existe ni aux États-Unis, ni ailleurs dans le monde. L'exploitation des gaz de schiste vise essentiellement le coeur agricole du Québec. Vous savez comme moi qu'il n'y a pas d'autres terres productives au Québec que celles cultivées par vos membres.
Comme nous, vous avez été mis face au fait accompli devant les forages qui se multipliaient dans la Vallée du St-Laurent. Afin de défendre les intérêts de vos membres, vous avez voulu négocier des compensations équitables. Le mot compensation est utilisé puisqu'il s'agit de montants financiers alloués pour des inconvénients et des risques. Certains des inconvénients peuvent être quantifiés, mais de nombreux risques ne peuvent l'être comme un déversement d'eau de fracturation, de produits chimiques nocifs, la contamination d'un puits ou d'une nappe phréatique. Vous savez comme moi qu'il n'y a pas de compensation qui puisse redonner une valeur à une eau contaminée, à une terre polluée.
Je sais que les agriculteurs ont une vie de travail fort remplie, que les revenus ne sont pas toujours au rendez-vous et qu'un de leurs bonheurs est cette vie choisie dans le milieu rural. Pensez-vous réellement que le passage journalier de dizaines, voire de centaines de camions, les odeurs et les bruits les inciteront davantage à demeurer sur leurs terres? Et c'est sans compter que le territoire sera quadrillé d'un réseau de gazoducs. Quelle sera la qualité de leur production agricole dans un milieu continuellement bouleversé par l'implantation de sites de forages?
Quelle peut-être la compensation possible pour une telle perte de qualité de vie? Vous espérez que des redevances vous seront attribuées. Bien sûr, si c'était le cas, ces redevances pourraient aider les agriculteurs à demeurer sur leurs terres. Vous savez cependant comme moi, et la ministre l'a affirmé, que la clause d'expropriation de la loi des mines sera reconduite dans la loi sur les hydrocarbures. La ministre jure qu'elle ne sera jamais utilisée. Pourquoi la maintenir alors? Cette clause ne peut que vous contraindre à négocier à la baisse redevances et compensations. Déjà l'industrie réclame des redevances plus basses. Ces redevances, à juste titre, les municipalités et les MRC en veulent leur part. À l'encontre de l'industrie et de ses alliées, des économistes affirment que les bénéfices de cette exploitation ne seront pas très élevés. Croyez-vous véritablement que ce sera le pactole pour vous et tous ceux qui auront à subir tous ces inconvénients et de possibles accidents écologiques? Au mieux, vous recevrez des compensations pour les pertes de production. En cas d'incident ou d'accident écologique, les recours seront difficiles et je ne crois pas que même si elles existaient, ces compensations pourraient vous faire retrouver l'état antérieur.
L'état antérieur, pensons-y. La vallée du St-Laurent est le berceau de la culture et de l'occupation du sol au Québec. Elle n'a pas seulement une valeur économique primordiale, elle possède une valeur symbolique incontournable. Il n'y aura pas de retour possible à l'état antérieur.
La pression de l'industrie est déjà grande sur la vallée du St-Laurent, le gouvernement et sur vous. L'industrie n'a pas seulement amorcé l'implantation de puits sur vos terres, elle a étendu son influence au sein de la machine gouvernementale. L'exploration, qui est aussi une mise en production de puits, s'accélérera et ce ne sont pas des dizaines, ni même des centaines de puits qui seront forés sur le territoire agricole du Québec, mais des milliers, et ce, à des distances relativement rapprochées. Plus l'industrialisation de vos terres s'accroîtra, plus l'industrie des gaz de schiste pourra faire pression sur vous, sur le gouvernement et sur les municipalités. On vous parle de réglementation, mais qui parle de réglementation parle aussi de son application. Le ministère des Ressources naturelles n'a pas la crédibilité nécessaire pour une application stricte de cette réglementation puisque son préjugé favorable à l'industrie transparaît dans tous ses documents et ses actions. La ministre des Ressources naturelles a indiqué qu'elle voulait créer un guichet unique, une agence comme en Colombie britannique, pour favoriser la croissance rapide de l'industrie. Qu'en sera-t-il alors du contrôle réglementaire, même si le ou les règlements étaient les meilleurs du monde? Et même dans cette éventualité, l'exploitation des gaz de schiste nécessite tant d'opérations, utilise tant de produits chimiques, rejette tant de liquides pollués qu'il en restera toujours quelque chose dans l'eau et le sol.
Depuis des années l'urbanisation et l'industrialisation ont causé des pertes de terres agricoles. Or celles-ci ne représentent que 2% du territoire québécois. Nous devons tenir compte de la valeur inestimable de ces terres pour la collectivité québécoise. En effet, des conditions de vie altérées peuvent inciter les agriculteurs à quitter l'agriculture et des terres souillées compromettront la valeur de leurs biens. Ces risques sont-ils vraiment quantifiables? Peut-on réellement donner une valeur à ce qui constitue le joyau agricole du Québec? Lorsqu'un bien est indispensable, a-t-il vraiment une valeur?
C'est la question que se posent de nombreux Québécois. Vos membres ne sont pas les seuls qui se préoccupent de la question de l'agriculture au Québec. Beaucoup de Québécois sont fiers de leur agriculture et de son évolution récente qui mise sur l'innovation et la qualité des produits. Qu'en sera-t-il de la perception de la qualité des aliments produits par vos membres sur ces terres devenues à risque? Je ne le dis pas comme une menace, comme cette ministre qui brandissait le scalpel au dessus du réseau des garderies, je le dis un noeud dans la gorge, car je ne veux pas que cela se produise. Il en va de notre souveraineté alimentaire. L'industrialisation de vos terres est un risque non négligeable et difficilement quantifiable pour cette agriculture durable que vous souhaitez comme nous mettre en valeur.
C'est donc une part substantielle de l'avenir de l'agriculture qui est entre vos mains. Personnellement, je ne crois pas que l'industrialisation de vos terres par une exploitation aussi invasive que celle des gaz de schiste puisse apporter des bénéfices à long terme à l'agriculture au Québec. Je vous demande de bien vous informer auprès de groupes de citoyens qui ont fouillé la question en profondeur avant de vous avancer plus avant dans cette direction. La seule question de l'expropriation devrait vous mettre en alerte. Est-ce à dire que si vos membres refusiez de négocier avec l'industrie qu'une partie du territoire agricole du Québec pourrait être expropriée? Vous savez comme moi que cette clause d'expropriation est inique et absurde. En Ontario, une leçon de civilisation a été comprise. L'Ontario – si souvent donné en exemple il y a quelques années — a interdit l'exploitation de mines sur les territoires habités du sud de la province. Le gouvernement de l'Ontario a compris que l'on ne pouvait imposer à une population tous les impacts de l'exploitation minière. Dans tous les cas, cette approbation doit être nécessaire et consentie en toute liberté. Ici, des intérêts insistants et un manque de vision à long terme mènent le gouvernement à des décisions inquiétantes. Il en va non seulement de vos droits et libertés, mais des nôtres. Il faudrait, pour qu'il y ait véritablement négociation, que la clause d'expropriation soit abolie et que les droits miniers vous reviennent. À cette condition, le jeu en vaudrait peut-être la chandelle. De nombreux agriculteurs pourraient devenirs très riches. Mais, vous le voyez actuellement par l'attitude du gouvernement, de l'industrie et de ses alliés, muets sur cette question, cela n'arrivera jamais. Alors, à quoi bon bouleverser la vie agricole pour une ou deux générations pour des sommes qui ne seront que des compensations à des risques et des impacts environnementaux dont certains sont difficilement mesurables. Le principe de précaution s'applique et doit nous inciter à une extrême prudence.
Cette semaine, la ville de Pittsburgh a décrété l'interdiction de l'exploitation gazière sur son territoire. Les hommes et les femmes qui ont pris cette décision, ou ceux qui ont pris la décision de ne pas autoriser de forage sur les terres du réservoir naturel d'eau la Ville de New York, sont des citoyens sensés et responsables. Demander un moratoire, émettre des doutes sérieux sur les bienfaits de cette exploitation sur vos terres ou nême demander l'exclusion du territoire agricole ne fera pas de vous, ni de moi, un écologiste extrémiste, un irréaliste alarmiste, un opposant irrévocable de l'enrichissement économique, un défenseur de l'augmentation de la dette, ni un opposant inconditionnel à l'exploitation des gaz de schiste. Je crois que nous devons prendre nos responsabilités pour nous et les générations futures qui devront elles aussi posséder la terre. La terre comme nous aura toujours besoin de ses agriculteurs et l'industrie trouvera ailleurs qu'à Pittsburgh ou sur les meilleurs sols agricoles du Québec ses profits.
Je vous prie donc monsieur le président de prendre en considération de telles questions pour en arriver à une conclusion claire et certaine qui non seulement touche tous les agriculteurs, mais l'ensemble de la population du Québec et son devenir.


Claude Paré

dimanche 3 octobre 2010

Quelques questions au Bape

Questions au BAPE par un simple citoyen

Chers membres de la commission du Bape chargé d'étudier les impacts environnementaux des gaz de schiste, je vous fais part publiquement de quelques-unes de mes interrogations.

— Comment le BAPE entend-il spécifier les impacts environnementaux de l'exploitation des gaz de schiste en quatre mois alors que l'EPA américaine (Environnement Protection Agency) qui a débuté ses travaux au printemps 2010 ne remettra son rapport sur le même sujet qu'en 2012? Le BAPE dispose-t-il de plus de moyens que l'EPA?

— Le BAPE entend-il étudier sur le terrain les multiples problèmes qu'a causés l'industrie des gaz de schiste en Alberta, en Pennsylvanie et ailleurs aux États-Unis? Entend-elle se rendre sur place pour entendre les citoyens touchés par ces problèmes?

— Le BAPE entend-il poser les différences de situation entre la Colombie-Britannique où l'exploitation des gaz de schistes se fait dans des forêts inhabitées du nord-est de cette province et dans le Québec où elle se ferait en grande partie dans la plaine fertile du St-Laurent, où se trouvent les meilleurs et les plus nombreuses terres agricoles du Québec?

— Le BAPE entend-il mener à lui seul des études géologiques sur la fissuration des sols à long terme suites aux multiples explosions contrôlées (stimulations) par l'éjection sous pression d'eau et de différents composés. Alors que ces études n'existent pas pour le Québec et qu'elles sont rares en général, entend-il être capable de les commander, de les étudier et de les commenter en quatre mois seulement?

— Dans le rapport présenté aux autorités de New York,i on faisait état de fractures latérales entre les couches géologiques découvertes lors de creusage de tunnel d'acheminement de l'eau ou de tunnels, et ce, partout aux États-Unis. Il a été prouvé que les fluides sous-terrains traversent ces fractures. Comment le Bape pourra-t-il garantir que les tonnes de produits chimiques laissées dans les poches d'exploitation de gaz après les multiples fracturations des puits ne migreront pas à long terme vers les nappes aquifères, spoliant l'eau de consommation et de culture, et ultimement les aliments issus de ces cultures? Étant donné que de telles études sur la fissuration et la migration des gaz et de l'eau après fracturation sont très rares, le principe de précaution n'impliquerait-il pas un arrêt immédiat des forages d'exploration?

— Étant donné que les produits de fracturation varient pour chaque forage, le BAPE exigera-t-il la composition réelle et exacte des produits ajoutés lors de chaque forage déjà réalisé au Québec ou à réaliser, y compris les produits qui sont protégés par brevets?

— Le BAPE entend-il étudier la cohérence de la position gouvernementale favorisant l'exploitation des gaz de schiste en regard avec sa politique de développement durable? Quantifiera-t-il l'impact économique de toutes les altérations à l'environnement afin de pouvoir les imputer aux gazières, et ce à long terme?

— Dans un rapport produit pour les autorités de New York, on estimait qu'étant donné la quantité en tonnes émises de produits de fracturation annuellement dans les cours d'eau entourant la ville de New York, il existait un risque réel de contamination de l'eau potable à court et à moyen terme. Pourquoi en serait-il autrement dans les bassins versants du Richelieu, par exemple?

— Dans le même rapport on décrivait ainsi les impacts globaux pour 6000 puits forés et refracturés aux 5 ans : 4,000,000 de tonnes de fluides de fracturation, 27,000,000 de tonnes de résidus liquides éjectés après fracturation, 230 à 340 tonnes de fluides de fracturation par jour à recycler et à éliminer, et 7,200,000 voyages de camion pour transporter tous ces liquides. Le Bape pourra-t-il fournir en quatre mois des chiffres précis sur les volumes estimés pour chaque région et pour l'ensemble des basses terres du St-Laurent?

— Une étude du qui avait analysé les fluides de fracturation utilisés aux États-Unis estimait qu'une bonne partie de ceux-ci pouvaient provoquer des maladies comme le cancer, des maladies du système nerveux et du système de reproduction. Comment et pourquoi le Bape pourrait-il disposer d'études à long terme pour le Québec alors que l'exploitation n'est pas encore commencée? Sur quelles études le Bape s'appuiera-t-il pour répondre à cette question? Et quelles sont les garanties que le Bape donnera qu'à long terme la santé des populations habitant sur les terres exploitées ne sera pas affectée ainsi que celle de tous les habitants des régions dont l'approvisionnement d'eau dépend des bassins versants de ces régions?

— Le Bape garantira-t-elle aux agriculteurs et aux habitants des régions visées un approvisionnement d'eau suffisant, étant donné les millions de tonnes d'eau nécessaires à la fracturation de chaque puits, plusieurs fois durant leur durée de vie,pour des milliers de puits, et ce, dans un contexte de réchauffement climatique?

—Le BAPE se penchera-t-il sur l'application de la loi des mines dans un espace agricole et la modifiaciton nécessaire de celle-ci?

— D'après vous, existe-t-il d'autres états où l'exploitation des gaz de schiste s'est faite sur la principale région dédiée à l'agriculture de cet état? Quelles en seront les conséquences pour l'ensemble du Québec? Le calcul de risque de spoliation de l'eau et de l'air, les modifications de l'habitat ne doivent-elles pas être calculées globalement, en fonction de l'impact possible sur l'ensemble du Québec et non par régions?

— Le BAPE garantira-t-il à long terme à la population locale et agricole que leurs terres et leurs biens ne seront pas dévalués par spoliation environnementale ( sur une durée de trente à soixante-dix années)?

— Quel mécanisme le Bape entend-il proposer pour compenser les habitants des régions visées en cas de catastrophe ou de dégradation de l'environnement? Et ce, à long terme, une fois que les gazières auront quitté les régions d'exploitation?

— De multiples questions se posent sur la qualité de l'air, l'utilisation de l'eau, le recyclage des fluides de fracturation, comment sans tromper la population le Bape entend-il répondre à toutes ces questions en quatre mois? Un tel exercice conduit dans de délais si courts ne risque -t-il pas de miner la réputation du Bape, autrefois considéré comme une référence en terme d'évaluation environnementale? Dans ces conditions les membres de cette commission du Bape ne devraient-ils demander immédiatement un moratoire, le temps pour eux d'accomplir une véritable étude sur tous les impacts de l'exploitation des gaz de schistes?

— Enfin, est-ce que les commissaires accepteraient que dans leur cour s'érige un puits de forage et que des représentants de compagnies minières les menacent d'expropriation en cas de découverte de gisement?

— Suis-je un environnementaliste ou quelqu'un qui s'inquiète à juste titre des conséquences d'une activité minière intensive sur les meilleurs sols agricoles du Québec pour l'exploitation d'une énergie intermédiaire non renouvelable?

Claude Paré, le 3 octobre 2010

samedi 2 octobre 2010

La stratégie de la petite salle

Le 28 septembre, j'étais là hier au milieu de ces gens de St-Hyacinthe en danger se faire voler leur territoire, leur passé et leur futur, leur vie construite dans un milieu prêt à être saccagé. Ceux qui les agressent sur leurs terres, par une stratégie habilement élaborée, ont réussi à se faire passer pour les agressés. Les médias ont encore une fois insisté sur la figure de Cailllé, vaillant capitaine luttant au sein d'une assemblée houleuse...
Je me suis tout d'abord approché de la grande salle. J'y ai entendu clairement la brillante question de Christian Vanasse. Dans le corridor se tenait le journaliste de Radio-Canada et la journaliste de TVA qui allait et venait. Dans la salle, en plein désespoir, ils étaient là les groupes « organisés ». La grande majorité des mains claquaient aux longs préambules de citoyens de la région qui étaient autant de questions sur l'éthique, l'intégrité, le respect du citoyen et de l'environnement. Le lendemain c'est de ce bruit dans l'information « pure » dont a parlé André Caillé dans les médias. Notre figure de proue faisait face à un Benoit Dutrisac ou à un autre journaliste sous-informé, incapable de lui demander pourquoi il appelait « groupes organisés » de simples citoyens qui spontanément avaient formé des associations pour réagir aux agissements inquiétants des compagnies. Les firmes de communication qui conseillent les industriels, où travaillent des membres de la famille libérale, n'ont pas compris que les citoyens des campagnes peuvent, de nos jours, s'informer rapidement sur une situation et qu'ils ne sont pas de simples paysans. Et ce, au même moment où les médias ne semblent pas disposer de recherchistes pour transmettre à leurs animateurs le contenu de véritables questions. Sans être journaliste ni enquêteur, il ne m'a pas fallu longtemps, en longeant les corridors, en questionnant quelques « locaux » pour apprendre que des compagnies à la transparence de cristal les menaçaient d'expropriation, qu'ils agissaient de façon vraiment cavalière.
Hier soir, l'industrie était là pour faire sa promotion. Les journalistes, les médias (on dirait d'information) ont gobé la stratégie de l'industrie. Ils ont qualifié de soirée d'information un pitch de vente qui voulait démontrer que l'industrie est transparente, que ses méthodes sont au point et presque sans risques. Mais cette noble mission de transparence est entravée par des opposants, toujours les mêmes, de fortes gueules qu'il faudra mâter. À la même émission de Dutrisac ou à l'émission de Maisonneuve on oubliera de faire préciser à André Caillé que les opposants ne sont pas nécessairement opposés à l'exploitation, mais qu'ils demandent avant tout un moratoire.
À un moment donné de la soirée, j'ai vu une porte s'ouvrir plusieurs fois. Je ne comprenais pas qu'une autre réunion puisse se tenir dans une atmosphère aussi éprouvante. On n’entrait pas facilement dans la petite salle. Il y avait une serrure, mais quand quelqu'on sortait on pouvait y pénétrer. La petite salle n'était pas tellement pleine, mais plus calme. Les questions étaient aussi inquiètes, mais moins politiques et les réponses se voulaient une démonstration de la maîtrise technique de l'industrie. Une seule fois un panéliste a exprimé l'opinion que l'acceptabilité de ce genre de projet dépendant des préoccupations de la population! Stratégie gagnante? Par la stratégie de la petite salle, pour les capitaines d'industrie, il fallait faire la démonstration que les vrais citoyens peuvent entendre les réponses de l' industrie et que ce sont les groupes organisés qui empêchent le dialogue. C'est pourquoi prétextant une atteinte à sa sécurité, André Caillé s'est esquivé de la grande salle au début de la soirée. Le lendemain, il témoignera en toute candeur du calme propre à la communication qui s'empare des petits cénacles bien contrôlés. Si on se demandait pourquoi l'industrie avait eu la générosité d'ajouter deux cents places assises dans la grande salle, c'était tout simplement pour pouvoir affirmer aux médias qu'il y avait un dialogue possible dans les petites salles. Et que des opposants étaient potentiellement violents. Que le désir de transparence de l'industrie était définitivement compromis par ces écologistes qui ne veulent rien savoir. À quelques jours de là, un de nos grands politicologues avait exprimé l'opinion que les écologistes étaient les nouveaux curés d'une nouvelle religion. Les curés et les membres de leurs sectes étaient là, officiant la messe barbare de l'anticapitalisme. À Radio-Canada ce soir-là, le journaliste a bien parlé d'une assemblée formée de citoyens, mais n'a pu, au contraire desjournalistes de l'écrit, faire entendre leurs questions, seulement des hurlements « émotifs ». Ils hurlaient bien sûr, pas tous aussi magnifiquement que Vaillancourt, cependant.
La stratégie de communication des gazières passait par la petite salle. L'expérience dite de la « petite salle » vise à démonter que l'industrie cherche à tout prix à communiquer et qu'elle est empêchée par les mauvais garçons organisés. Oui, l'atmosphère était à couper le souffle dans la grande salle en partie parce que les médias sont incapables de relayer les questions des citoyens et que probablement ils n'ont pas les moyens, les pauvres ( le lendemain on diffusait à Désautels un bon petit reportage sur la hauteur du filet à balles d'un terrain de golf qui empiète sur la zone verte - que de courage pour cette société d'État que l'on qualifie à l'extérieur de Montréal de Montréalocentriste – il est vrai que St-Hyacinthe, ce n'est pas à Montréal) d'aller sur place pour montrer et nommer la réalité. Pourtant, au coeur de ce gâchis «médiatique?» il y a un plan de communication qui semble partagé par un gourvernement en mal de légitimité et de gouvernance. Notre vaillant capitaine ( Le Devoir surtitrait : Gaz de schiste : Dernière épreuve pour André Caillé) l'a lui-même exprimé : une fois la phase principale d'information où l'industrie démontre qu'elle n'agit pas en catimini, le miniBape ( ou pseudoBape) prendra le relais. Pendant ce temps, l'industrie fera des réunions dans de petites salles. Elle ciblera probablement des agriculteurs ou des gens susceptibles par manque de moyens financiers ou par simple appât du gain de leur louer leurs terrains. Les annonces seront locales, les médias « nationaux » qui ont déjà de la difficulté à exposer les problèmes de ceux qui affrontent l'industrie ne s'y intéresseront pas justement parce qu'il y aura peu de chahut. L'industrie n'a pas besoin du support de toute la population, seulement de quelques citoyens et de quelques élus. Les opposants ont été identifiés, on pourra les laisser poiroter à l'extérieur. Ils agiteront des pancartes, cela fera peut-être des reportages ou simplement des images. Bien sûr on les reverra au Bape tous ces gueulards, on parlera d'un débat technique, puisque la raison, le calme est du côté de l'industrie. Celui-ci, heureusement pour l'industrie, sera bref et contrôlé. Les médias nous présenteront le pour et le contre. On fera quelques petits exercices de démocratie confrontative de trois minutes debout au téléjournal de 18 heures à Radio-Canada. Certains commentateurs iront de leurs propos démagogiques - devinez lesquels –, je crois qu'il s'agit d'un groupe de presse très proche de Radio-Canada - sur le manque de compréhension de l'entrepreneurhip des Québécois. On reviendra sur la question de l'omniprésence sacerdotale des écolos à l'eau bénite ou madame Bombardier nous invectivera d'une autre de nos dérives post-relgieuses prolongeant sans le savoir notre indécrottable et noirci inconscient duplessiste et en fin de compte misogyne. Dans toute cette histoire, il faudra que les médias sortent de leur train train quotidien de comptes rendus des actions des corporations et des gouvernements. Qu'ils relaient la parole des citoyens si on ne veut pas que ça aille vraiment mal. Comme le gouvernement est incapable d'entendre la parole de ceux qu'il est censé diriger dans les méandres de ses «Grands Projets », il faudra que les médias analysent la stratégie de désinformation de l'industrie. Et aux animateurs qui ne savent pas quelles questions poser en voici quelques-unes :
— Le gouvernement a donné au Bap un mandat de quatre mois pour étudier la question des gaz de schiste, aux États-Unis la EPA a commencé ses travaux sur la même question au printemps de cette année et compte remettre son rapport en 2012. Comment le Bape pourra-telle accomplir en quatre mois ce que l'EPA pourra difficilement accomplir en 2 ans?
—Le gouvernement de New York a demandé un moratoire sur l'exploitation des gaz de schiste, si un gouvernement d'un état américain fortement capitaliste est capable de demander un tel moratoire pourquoi l'état québécois ne le pourrait-il pas?
— Un moratoire a été promulgué dans l'estuaire du St-Laurent suite à de longues analyses environnementales. Pourquoi la vallée du st Laurent, berceau de la colonisation du Québec et du Canada, milieu complexe où ont lieu de multiples activités humaines, ne demanderait-il pas que l'on prenne le temps d'évaluer l'impact d'une industrie dont on ne connait pas encore tous les tenants et aboutissants?
Pour un animateur de Radio-Canada : —Dans un reportage d'une de nos émissions un expert géologue a affirmé qu'il n'existait pas d'études à long terme sur les risques de fissuration des strates rocheuses provoquée par l'exploitation des gaz de schiste, comme le Bape entend-il les produire en quatre mois, et ce, sans se rendre aux États-Unis?
Etc...